Casemiro-Kroos-Modric, la mythique histoire du « Triangle des Bermudes »
Le départ de Casemiro du Real Madrid fera date à plus d’un titre. Il sonne la fin d’une aventure individuelle hors norme au sein de la Maison Blanche. Mais surtout celle d’un trio – avec Toni Kroos et Luka Modric – entré dans la légende après sept ans et une ribambelle de trophées glanés ensemble. Le « Triangle des Bermudes » est définitivement mythique.
« Je les appelle le triangle des Bermudes parce que le ballon y disparaît« . Au moment de s’amuser de la complémentarité de son trio de milieu de terrain, le 31 juillet dernier après une victoire en amical contre la Juventus (2-0), Carlo Ancelotti est très loin de se douter qu’il vient de titulariser pour l’avant-dernière fois de sa carrière Casemiro, Toni Kroos et Luka Modric ensemble.
Moins d’un mois plus tard, le technicien italien n’a pu retenir quelques larmes lors de la conférence de presse d’adieu du Brésilien, organisée mardi. L’ambiance a changé, le Real Madrid aussi. Bien que préparé à cette éventualité, en témoignent les recrutements d’Eduardo Camavinga et d’Aurélien Tchouameni, le club merengue va désormais devoir composer sans ce qui est (était) devenu le socle de tous ses récents succès.
L’histoire entre le Brésilien, l’Allemand et le Croate débute lors d’un derby de Madrid disputé sur la pelouse de l’Atlético (1-1), le 4 octobre 2015, date de leur première titularisation commune. Modric fait alors partie de la maison depuis un peu plus de trois ans, Kroos est arrivé en 2014, et Casemiro revient d’un prêt au FC Porto. Dans une équipe qui voit Isco, Mateo Kovacic ou encore James Rodriguez prétendre à des places de titulaire, Rafael Benitez tâtonne puis finit par se rendre à l’évidence.
SEPT SAISONS COMMUNES, UNE SEULE SANS TROPHÉE
Le trio s’installe petit à petit jusqu’à devenir indiscutable après l’arrivée de Zinedine Zidane en janvier 2016. Avec au bout, déjà, une victoire en Ligue des champions face à… l’Atlético Madrid, comme un clin d’œil de l’Histoire. Les bases sont posées : le destin de ces trois hommes est d’entrer dans la légende par la porte du palmarès.
Ce sacre européen est en effet le premier d’un triplé 2016-2017-2018 inédit réussi par le Real, qui s’offrira ensuite une 14e Ligue des champions quatre ans plus tard, en mai dernier. Quatre finales disputées avec le même entrejeu. Pour quatre victoires marquées de l’empreinte des trois milieux de terrain. Quatre des… 16 titres – dont trois Liga – glanés par les Merengue à partir du moment où ce fameux triangle s’est installé. Plus de deux par an, en moyenne.
En sept saisons, Casemiro, Kroos et Modric n’en ont bouclé qu’une sans trophée, en 2020-2021. Alors, leur histoire ne pouvait se terminer autrement que par… un titre. Le 10 août dernier, leur ultime titularisation commune a débouché sur une victoire en Supercoupe d’Europe, face à Francfort (2-0). La « KMC », c’était avant tout la faim de gagner. Aux côtés de Cristiano Ronaldo, la plus grande star madrilène des années 2010, mais aussi sans lui. On n’oublie pas Karim Benzema ni les autres, évidemment. Mais ces trois-là ont incarné l’identité du Real. Dans ce qu’il représente, d’une part : la gagne au plus haut niveau. Et dans son identité de jeu.
IDENTITÉ ET COMPLÉMENTARITÉ
Car le trio magique n’a pas « seulement » garni l’armoire à trophées et fait de la Coupe aux grandes oreilles son bébé. Il a aussi marqué les esprits par sa complémentarité, évidente de prime abord, mais façonnée, perfectionnée au fil du temps. Avec le départ de Casemiro, le Real perd son travailleur de l’ombre, l’homme des duels, des « fautes utiles » (sans pour autant prendre de cartons), de l’impact dans les deux surfaces, des courses très verticales. Un besogneux qui, sans devenir un artiste, a grandement progressé dans l’utilisation du ballon.
A sa gauche, le plus souvent, se trouvait le métronome de la Casa Blanca. Un Kroos en charge de dicter le tempo du jeu madrilène, entre jeu court horizontal et amours de diagonales. Sans oublier le maestro. Un Modric à la patte technique la plus prononcée, l’homme des 30 derniers mètres – qui aura toutefois marqué moins que Casemiro et ses 29 buts sur la période –, de la verticalité balle au pied et des extérieurs du pied redoutables.
Mais comme en témoigne la statistique de buts évoquée à l’instant, les trois joueurs ne se sont pas cantonnés à une case, encore moins à une caricature de leur rôle. Ils ont évolué, ensemble et individuellement. Ils ont connu cinq entraîneurs, de Benitez à Ancelotti en passant par Zidane, mais aussi plusieurs systèmes, en 4-3-3, 4-2-3-1, 4-4-2 à plat ou en losange, et se sont toujours adaptés aux différentes interprétations de ces derniers.
Casemiro a, par exemple, évolué par séquences dans une position beaucoup plus avancée, quand les deux autres venaient organiser le jeu depuis très bas. Grâce à eux, à leurs qualités d’adaptation, leur capacité à se trouver les yeux fermés et à sortir du pressing adverse, le Real a pu changer de philosophie sans arrêter de performer. Garder le ballon ou exceller en transitions. Remporter des finales de Ligue des champions avec 46% (2016) ou 62% (2018) de possession.
QUELLE PLACE DANS L’HISTOIRE ?
Gagner, encore et toujours. On y revient. Au moment de comparer ce trio aux autres, on se rappellera de lui comme d’une machine. Son principal concurrent dans les mémoires, au moins dans l’histoire récente, composé de Sergio Busquets, Xavi et Iniesta, s’est installé pour de bon pendant cinq ans, entre 2010 et 2015, même s’il a appris à se connaître à partir de 2008. Il aura, lui, davantage marqué les esprits par son esthétique, son importance dans l’histoire du jeu, même s’il aura lui aussi raflé de nombreux titres.
Son aventure s’est arrêtée à la pré-retraite de Xavi, là où Casemiro a dit stop au moment où il pensait avoir « terminé son cycle » au Real, comme il l’a confié devant la presse. Peu importe si, dans les faits, le salaire offert par Manchester United a – ou pas – pesé bien plus. Le Brésilien, Kroos et Modric n’ont pas disputé la saison de trop, ont performé jusqu’au bout malgré une moyenne d’âge de 33 ans sur la fin. En étant rarement remis en question sur la durée, à l’exception d’une saison 2018-2019 laborieuse.
De quoi devenir, au fil du temps, l’un des meilleurs trios de milieux de terrain de l’histoire. Mais pourquoi s’arrêter à l’entrejeu ? Car après tout, au moment de rouvrir la boîte à souvenirs dans quelques années, il est possible que l’on place ces trois-là au même niveau symbolique que quelques-uns des trios d’attaquants les plus mythiques. Nous rappellerons-nous d’abord de Bale-Benzema-Ronaldo ou de Casemiro-Kroos-Modric ?
Realmadrid 24 via Euronews